« J'ai conçu ce terme de "Transparadoxal" ou "Transparadox", qui, à première vue pouvait apparaître fort complexe et bien curieusement cogité-alambiqué, est en fait des plus simples, puisqu'il est constitué du mot "paradoxe" qui détermine l'exact lieu du phénomène, et "Trans" qui est le préfixe qui convient pour signifier la traversée de ce lieu.
J'avais besoin de nommer cet "espace vital", car tout comme l'on peut se sentir appelé vers les espaces de découvertes qu'offrent les profondeurs des océans, des forêts vierges, des microscopes, des mathématiques... Autant que je me souvienne, ma curiosité s'est toujours posée sur les mystères de cette articulation des paradoxes, sur les possibilités d'ouverture, d'intuition, de créativité et de liberté qu'elle révèle, expérimentant ses incidences sur l'ouverture de nos portes de la perception et sur les Arts qui fleurissent à chacune de ces portes...
A présent j'utilise le terme "Transparadox" pour désigner tout à la fois : la traversée des paradoxes, les procédures pour le faire, les états de conscience induits par cette traversée et les créations qui en résultent. Ces différents aspects n'étant dissociables que d'un point de vue "en deçà".»
Michel-Laurent Dioptaz
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Extrait de Transparadoxal? Pourquoi? annexe de "Sarbacana, le souffle du présent ", le Souffle d'Or 1998, 193p. (ISBN 2-84058-144-2) p.182. |
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Transparadox-perception |
Créées par Michel-Laurent Dioptaz, dans le cadre de ses recherches sur le "Transparadox", les techniques Transparadoxales sont fondamentales dans la pratique du Sarbacana.
Afin d'assouplir, ouvrir et développer notre attention, ces techniques utilisent comme tremplins, les paradoxes induits entre le vécu du corps et la lecture que nous en avons.
Pour cela elles
invitent notre attention à participer
de l'entièreté d'un processus moteur, très simple, contenant
au moins deux informations simultanées, perçues par
le mental comme antagonistes.
Exemples (et exercices):
«-Peux-tu,
en toute attention, participer de la totalité
de ce que vivent tes deux jambes durant
la marche? Percevoir, absolument au même
instant, ton pied qui s’envole et celui
qui s’enracine ?»
«-Peux-tu,
en conscience, totalement simultanément, percevoir tes deux mains
pendant que l'une se ferme et que l'autre
s'ouvre?»…
C'est ainsi que là où le corps vit une unité, le mental
va ressentir un paradoxe s'il s'essaie
à participer consciemment de cette unité.
Il va
se sentir écartelé là où la vie se réunit.
Ces paradoxes sont dus au fait qu'à chaque instant,
notre corps vit une multitude de situations
bipolaires dans une totale simultanéité,
alors que notre outil de lecture habituel
du réel le "mental" n'a accès
à ces mêmes bipolarités que de façon successive.
En cet endroit le mental se trouve juste à l'articulation de
ce qu'il peut parfaitement concevoir mais
ne peut plus expérimenter. Voilà qu'il
se voit produire un paradoxe, là où pourtant
sa propre logique lui montre qu'il n'y
en a pas. C'est en cela que cette articulation de
l'attention est un endroit privilégié
car on peut y éprouver physiquement l'étroitesse
de ses pensées, ressentir avec son corps les limites
de notre mode usuel d'appréhension du
réel et ainsi jouer avec.
Ces types de
paradoxes sont tout particulièrement précieux
et pratiques car, non seulement, ils démontrent
très simplement et radicalement que ce
mode de fonctionnement cérébral ne peut
avoir accès à l'unité d'Etre. Mais surtout
ils nous offrent un espace expérimental
idéal pour assouplir et mettre en repos
ce type d’attention qui nous conditionne à polariser le monde, pour
enfin laisser apparaître l’entièreté
de l’instant.
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1991, M.L. Dioptaz pratiquant du Qi-gong en Transparadox-perception. Extrait d'un film amateur tourné au Dojo Sarbacana. France (Paris 1991)
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VIDEO |
1991, M.L. Dioptaz pratiquant du Qi-gong en Transparadox-perception. Extrait d'un film amateur tourné au Dojo Sarbacana. France (Paris, 1991)
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EXERCICE
"Comme
un parfum"
Nous
nous rencontrons, ici, dans le monde des mots et
cet univers du virtuel du web est peu approprié...
cependant j'aimerais
vous faire pressentir... toucher du bout des
doigts, le "Chi",
le parfum d'une présence transparadoxale telle
que vécue en approche Transparadox dans le pratique du Sarbacana.
La
main étant un des lieux du corps le plus immédiatement
facile pour accéder au ressenti de la synergie
des contraires, je vous propose de placer
votre main libre dans l'espace devant vous..
puis de positionner votre index sur le majeur (ou inversement*)
en appuyant fortement ces deux doigts l'un
sur l'autre. (*Suivant que l'index sera placé au-dessus ou au-dessous, l'espace de "ressenti"
ouvert par ce Mudrâ ne sera pas le même. Toutefois,
dans un premier temps, ces fines nuances sont
rarement perçues.)
Entrez dans la sensation de tonicité
que procure cette rigidité des doigts qui
se pressent. Dans le même temps, votre poignet
et votre coude restés totalement souples s'articulent
très librement et très lentement sur eux-mêmes,
faisant glisser doucement votre main dans
l'espace en subtiles et voluptueuses volutes...
entrez dans le ressenti de cette fluidité...
Votre main est donc en train de vivre
et de vous proposer deux informations antagonistes,
deux "Chi" contraires : alors que,
s'articulant délicatement sur le poignet,
elle se déplace et flotte dans le vide, légère
comme une plume emporté par le vent... dans
le même temps, cet envol léger contient cette
structure de tonicité que distillent les deux
doigts en pression l'un sur l'autre. Votre
main étant en quelque sorte tout à la fois,
la "voile" et le "mat".
Si
vous "humez" le ressenti global
de votre main, il va s'en dégager comme une
curieuse sensation de doux et fort, de tonique
et malléable. Voilà que vous disposez d'une
main tout à la fois puissante de décision
et, pourtant, totalement abandonnée.
Lâcher
prise-prise de décision , une seule
et même présence.
M.L.
Dioptaz |
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TRANSPARADOX-Perception, ci-dessus M.L.Dioptaz 1985 |
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"La respiration Transparadoxale"
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OBSERVATIONS - EXERCICES
Eclairant d'attention notre respiration, là aussi notre
corps va manifester des dynamiques antagonistes
au même instant. En effet notre
mode d'attention sélective ne pouvant
appréhender la respiration comme étant
une et entière, va la séparer en deux,
manifestant ainsi deux aspects de la respiration
: "le charnel"
et "l'énergétique".
Et
de ce fait, nous n'allons pas vivre la
même chose selon que nous nous posons
sur le ressenti charnel de la respiration
ou sur sa dimension énergétique.
Prenons la phase d'expiration par exemple...
Alors que le corps, (le ventre, la cage thoracique...) se dégonfle
et se rétracte,
au même instant, au niveau de l'émission
d'énergie, c'est exactement l'inverse
qui se produit : accompagnant le souffle,
l'énergie jaillit de nous, elle s'expanse.
Ainsi là
où une attention posée sur le "charnel" vit une rétraction, l'attention éclairant "l'énergétique" ressent une expansion, et cela au même instant.
(Lors de l'inspiration, c'est le contraire
qui se produit, alors que le corps s'expanse,
l'énergie, elle, se rétracte.)
Et,
si l'on utilise un mode de perception
qui ne peut s'identifier qu'à une seule
dynamique à la fois, il va nous falloir
choisir entre éclairer d'attention la
dynamique du corps physique, ou bien celle
du corps énergétique. Les ressentis et
les conséquences existentielles qui découlent
de l'un ou l'autre choix ne sont pas du
tout les mêmes. (
On
peut d'ailleurs constater que des écoles
et des approches différentes se sont développées
autour de chacune de ces dynamiques.
)
Mais une fois de plus, c'est la forme
de notre attention qui nous est montrée,
pas la forme de notre souffle. Ces "deux"
aspects du souffle n'existent que dans
notre mental, pour qui, vivre une "expansion"
et une "rétraction" au même
instant est un insupportable et impraticable
paradoxe. Pourtant lorsque les pensées
s'arrêtent, transparaît une tout autre
forme d'attention, une attention transparadoxale
qui respire ces «deux» dynamiques au même
instant, absolument en même temps.
Lorsque s'éclaire d'attention le souffle
entier, c'est encore tout autre chose
qui est vécu, quelque chose de totalement
indescriptible dans le monde des mots,
si ce n'est sous forme de paradoxes. Mais
utiliser des paradoxes pour décrire un
niveau de conscience où justement l'on
n'en éprouve plus le moindre, me paraît
bien peu descriptif.
Ce que l'on peut dire, c'est que réaliser
l'unité de son souffle réalise l'unité
d'Etre. Il n'y a plus alors de scission
entre matière et énergie, corps et esprit.
(La
respiration est un très bon endroit pour
résoudre les paradoxes fondamentaux du
mental. Car, si vivre un paradoxe crée
des tensions, respirer profondément dissout
les tensions.)
M.L.
Dioptaz |
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TRANSPARADOX-Perception, ci-dessus M.L.Dioptaz 1988 |
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"Nous nous enfermons avec les clés que nous avons forgé pour ouvrir le monde"
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Dans les débats, on
peut entendre dire : « ... mais ce que vous dites est totalement paradoxal!», sous-entendu «c'est
invraisemblable, impossible, absurde,
maladroit etc.», démontrant d'évidence
que les paradoxes sont instinctivement
considérés (ressenti par le mental)
comme des obstacles, des limites à la
compréhension; et certes pas, comme
des invites à s'ouvrir sur du plus vaste,
s'ouvrir à une autre forme d'intelligence.
"Paradoxe"
devient, en quelque sorte, le nom d'une
clôture ressentie comme infranchissable,
qui délimite le territoire de notre
compréhension.
Rappelons
que nous utilisons comme "logiciel"
de lecture du réel le "mental",
un mode d’attention qui nous conditionne
à polariser le monde. Une superbe invention
de la Vie qui contribua à faire de nous
des Humains, mais force est de constater
que cet aspect de notre intelligence
n’est aucunement conçu et ne
peut laisser apparaître l’entièreté
de l’instant, l’entièreté du vivant.
Si
nous nous y essayons, voilà que des
"vérités " antagonistes
se chevauchent, voilà que les opposés
se manifestent simultanément. Et lorsque
du + et du – se produisent
ensemble cela provoque un court-circuit :
le paradoxe.
Mais
ce sont nos propres limites existentielles
que ces paradoxes manifestent, non celle
du réel. Cependant notre "moi"
est à tel point identifié à l’outil mental que
lorsque cet outil rencontre ses limites,
elles deviennent nôtres. Ces paradoxes
deviennent existentiels; la double contrainte
de leurs "décharges électriques"
nous ramenant dans la sécurité de l'enclos
de la logique des pensées, limite et
bloque l'ouverture de notre champ de
conscience en nous faisant tourner en
boucle.
Ainsi
croyant explorer de nouveaux paradigmes
on risque de visiter, encore et encore,
l’autre face de la même pièce.
Bien
sûr, ces limites sont extrêmement utiles,
car non seulement elles structurent
le "moi" et l'ego qui le revendique,
mais elles placent aussi nos attentions
en symbiose, au même niveau de lecture
du réel. Ainsi, vivant les uns les autres
la même interprétation du monde, nous
pouvons nous y rencontrer, communiquer,
échanger de l'information, agir ensemble,
fabriquer un langage, une culture...
Langage et culture qui, à leur tour,
fabriquent nos limites.
Les
limites engendrant ce qui les engendre,
le système se mord la queue, la boucle
est bouclée et ça tourne... Ainsi chaque
jour nous nous réveillons dans la même
réalité que la veille. Cette chose est
comme ceci et s'appelle "comme
ceci", cette autre est comme cela
et s'appelle "comme cela";
c'est du solide!
Mais nous payons le prix fort pour
ce confort car, dans le temps où nous
maintenons cette réalité, cette réalité
nous tient à elle. Et nous y sommes
à tel point assujettis que, bien souvent,
nous oublions qu'elle n'est que la partie
visible de l'iceberg. Qu'elle fait partie intégrante d'un réel infiniment
plus vaste qui ne s'arrête pas là où
notre mental cesse de le percevoir et
de le comprendre. Nous oublions que
le mental trace dans le continu du réel
des frontières d'autant plus arbitraires
qu'elles varient d'une culture à l'autre,
voire même d'un groupe ou d'un individu
à l'autre. Nous oublions que la conscience
humaine peut se prolonger bien au-delà
des boucles mentales qui se nouent "paradoxes".
Nous oublions que là où le mental nous
fait ressentir la séparation, c'est
justement là que la vie se réunit.
Nous oublions que ne disposant que de
ce seul mode de compréhension qui fragmente
et dédouble le réel, jamais nous ne
pouvons participer en conscience de
son unité… Même si notre nostalgie ou
nos rêves-créatifs la revendiquent.
Nous nous enfermons avec les clés que nous avons forgé pour ouvrir le monde. |
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